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2016 — 2018
« Was geschieht denn? Hier oben ist 20 M. über der Erde ein Mensch in einem Holzgestell verfangen und wehrt sich gegen eine freiwillig übernommene unsichtbare Gefahr. Wir aber stehn unten ganz zurückgedrängt und wesenlos und sehen diesem Menschen zu. »
Franz Kafka, Die Aeroplane in Brescia,1909
A l’orée du 20e siècle, un tressaillement aérien, de plus en plus intense, semble se répandre comme le déferlement d’une vague poétique en une communion collective. Les développements aéronautiques en cours offrent à l’homme des horizons nouveaux et des perspectives jusque-là restées une construction imaginaire inatteignable. Aussi, l’avènement de ces innovations apporte son lot d’incertitudes éternellement lié à un bouleversement des mobilités et locomotions humaines — le mythe d’Icare, semblant présager déjà l’objet auquel ces machines permettant de vaincre la gravité allaient servir : la fatalité de la guerre. Le 12 mars 1908, a lieu le premier vol public dans l’hémisphère occidental d’un appareil plus lourd que l’air. L’engin décolle de la surface gelée de Keuka Lake, aux États-Unis, demeure dans les airs pendant 20 secondes avant qu’une aile ne se brise et qu’il s’écrase.
Partant de ce fait historique décisif et emblématique de cette effervescence à l’œuvre, j’ai envisagé un personnage de fiction navigant au sein d’une histoire abstraite où se mêlent expériences étranges et découvertes inattendues. Une fable intemporelle faite de rêves apparemment inaccessibles, qui évoque un lieu d’espoir et de solidarité dans un effort commun visant à transcender les frontières constitutives de notre corporalité et du monde — de la terre à la lune et retour.
En effet, en 2016, j’ai eu l’opportunité de séjourner plusieurs mois dans le Nord de l’État de New York, région isolée, au climat aride et dont l’effondrement des fleurons d’une ère industrielle prospère a laissé place à une morosité économique et un effritement évident du lien social. La région reflète toutes les difficultés auxquelles fait face la classe moyenne Américaine oubliée, qui sombre chaque jour d’avantage. En prenant le contre-pied de la situation que j’ai observée, j’ai voulu remettre en lumière une époque pas si lointaine, mais oubliée, où ces mêmes forêts et plaines aux mille lacs étaient le terrain de jeu d’Hommes valeureux et intrépides, inventeurs de technologies nouvelles qui allaient révolutionner nos systèmes de communication et faire du globe un grand village. En interrogeant des
archives visuelles et écrites; en construisant des outils apparemment inutiles et un engin d’évasion saugrenu ; en mélangeant des objets hétérogènes (répliques et artefacts) à des archives scientifiques pour en confondre la véracité ; en usant de multiples langages visuels associés à des époques et domaines spécifique, « Do you really believe they put a man on the moon ? » questionne non seulement la construction de la connaissance et l’interprétation de l’histoire au travers d’un prisme spécifique, il met en lumière également le rythme cyclique auquel sont confrontées nos sociétés et dont la dichotomie (« sa charge tantôt méliorative
tantôt péjorative » 1) est intrinsèque à l’utopie 2. Détournant des dispositifs visant à améliorer notre perception du monde, à dépasser les limitations physiques de nos corps et les écologies politiques et sociales auxquelles nous sommes contraints « Do you really believe they put a man on the moon ? » a pour objectif de questionner poétiquement l’apport positif ou non des révolutions technologiques et de leur conséquences.
1. « Sans entrer dans le détail, on peut dire (…) qu’utopique qualifie tout état d’esprit, toute pensée qui en tant qu’elle manifeste un désaccord avec la réalité dans laquelle elle s’élabore est la projection actuelle, plus ou moins idéalisée, d’une revendication qui, en son fond, n’est rien moins qu’impossible ou irréalisable. (…) L’utopie devient presque une manière de comprendre l’énigme du présent à partir d’une projection dans l’avenir. Elle incarne les vertus de l’espérance dans l’ordre des revendications sociales. L’un des points essentiels de l’évolution du sens moderne est donc la charge tantôt méliorative tantôt péjorative dont le mot est immédiatement lesté dans son usage au 20e s. »
Jean Montenot, Une société sans pensée utopique est-elle concevable ?, www.sens-public.org
2. « Utopie » : nom propre crée à l’origine par l’écrivain anglais Thomas More comme représentation d’une société idéale ; formé sur la racine grecque « u » (préfixe de négation) et « topos » (signifiant « lieu », « endroit », « place », rendu généralement par le latin « locus », parfois par « situs ») il été compris de plusieurs façons selon diverses définitions : « un lieu qui n’existe pas », « en aucun lieu », « nulle part », « non lieu », « lieu de nulle part ». De par son idéalisme détaché des contraintes de la réalité et de faits objectifs l’ « utopie » est souvent associée à un irrationalisme discréditant. Intrinsèquement polysémique de par sa définition, l’ « utopie » atteste d’une dichotomie de croyances en lutte perpétuelle : est-il possible de repenser le réel par une représentation fictionnelle.